Nagoya abrite les anciens locaux des usines TOYOTA : oui oui, il s'agit bien du constructeur automobile. Quel rapport avec ce blog tout de fils tissé ? Comme on peut s'en douter, il y a eu une vie avant la voiture, et M. TOYODA (avec un D) était un génial inventeur, à l'origine de brevets ayant protégé ses découvertes successives dans l'automatisation des métiers à tisser !
Le musée TOYOTA permet de comprendre l'évolution de ces métiers à tisser (mais aussi à filer mécaniquement), depuis les métiers manuels jusqu'aux dernières innovations.
Quel art de la mise en scène et de la pédagogie dans ce musée : un nombre impressionnant de guides (anglophones, ce qui est bien pratique !) permet de faire fonctionner ces machines, en pointant à chaque étape le problème résolu. Ces guides sont d'une extrême gentillesse, disposés à montrer, démontrer, avec beaucoup de patience. Un régal !

On comprend ainsi que l'automatisation a été confrontée à deux difficultés à résoudre : le changement des bobines dans la navette et la rupture d'un fil de chaîne.
Le premier métier de M. TOYODA n'automatisait pas cette étape, et un ouvrier devait changer manuellement les bobines toutes les trois minutes : on imagine aisément la perte de temps occasionnée par ces arrêts de la machine. Il fallut donc inventer un changement automatique des bobines, ce qui fut fait !
Quant à la rupture d'un fil de chaîne, difficile à déceler dès lors que le métier était automatique, elle provoquait un défaut dans l'étoffe tissée : en effet, on remarque aisément un jour échelle en raison de l'absence d'un fil de chaîne, parallèle à la lisière. Il suffisait alors d'imaginer un dispositif qui provoquait l'arrêt du métier en cas de rupture. Une petite pièce auparavant soutenue par le fil de chaîne descendait alors de quelques cm et, le peigne rencontrant cet obstacle, le métier s'arrêtait automatiquement.
On voit ci-dessous le guide qui abaisse une pièce, ce qui provoquera l'arrêt du métier.

Procédé tout simple : si le fil passé dans le trou circulaire de la languette se casse, cette tige de métal n'est plus retenue que par la barre métallique et tombe environ 1 à 2 cm plus bas. Il y a bien sûr un autre dispositif, un cliquet, qui provoque l'arrêt du métier dès lors que le peigne est bloqué par la languette. Simple et efficace ! J'adore !

Tous ces dispositifs ont été progressivement améliorés, avec comme objectif d'augmenter la vitesse de tissage. Les innovations ont consisté alors à rechercher le moyen d'améliorer le passage de la navette. C'est ainsi qu'on peut voir des métiers dont les dispositifs de passage du fil de trame sont différents :
- deux navettes se rencontrant "au milieu du gué", l'une apportant le fil à la seconde qui le récupère au milieu de l'étoffe. Ainsi, on a divisé par deux le temps de parcours.

- pour les matières synthétiques, envoi du fil de trame par un jet d'eau puissant !

- enfin, envoi du fil par un jet d'air non moins puissant !
On trouve aussi des métiers jacquard, et bien d'autre machines fascinantes !



Métiers plus anciens, dont des métiers jacquard :







Bref : on parcourt en 3 heures un siècle d'innovation, et c'est passionnant. Au point de nous faire oublier que ce musée contient une partie aussi pédagogique sur la construction automobile : nous l'avons traversée au pas de course !
Un prochain article sera consacré au filage mécanique : il intéressera sans doute les fileuses qui, comme moi, on régressé avec délice vers l'usage du rouet ! (Mais je ne suis pas sûre d'avoir la place pour une cardeuse et une fileuse mécanique dans mon salon !)